DU CHÂTELET Émilie Institutions de physique.

Barbier, II, 928-d ; Caillet, I, 3307; Poggendorff, I, 424 ; Quérard, II, 621 ; Mireille Touzery, « Émilie Du Châtelet, un passeur scientifique au XVIII^e siècle », La revue pour l’histoire du CNRS, 21 | 2008.

Édition originale.

Les Institutions de Physique sont un ouvrage novateur dans lequel Émilie du Châtelet combine les théories scientifiques de Newton et la métaphysique de Leibniz. En cela, cet ouvrage est le reflet de l’instruction variée d’Émilie du Châtelet.

Cette dernière se forme tout d’abord au Newtonisme auprès de Voltaire, leur travail commun permet de diffuser les théories de Newton en France. Le château de Cirey, appartenant à la marquise, comprend un cabinet de physique, le premier privé en Europe.

Si elle est convaincue au point de devenir étendard des théories du britannique, elle reste critique et curieuse. Ainsi, elle se forme à la métaphysique auprès de Samuel Koenig. Ce dernier, élève de Jean Bernoulli, l’initie à Leibniz.

Forte de ce double enseignement, elle écrit ses Institutions de physique en 1740, et qui reste « jusqu’à aujourd’hui une des plus nettes expositions de la doctrine de Leibniz en français » (Touzery).

Le livre obtient très rapidement un succès critique retentissant. Koenig tente alors de s’en faire passer pour l’auteur, laissant à Madame du Châtelet la simple place de rédactrice. La scientifique fait alors appel à Maupertuis pour rétablir la vérité car c’est lui qui l’avait recommandé à Koenig.

Voltaire la soutient et écrit « Il a paru au commencement de cette année un ouvrage qui ferait honneur à notre siècle » (Exposition du livre des Institutions Physiques dans laquelle on examine les idées de Leibnitz, 1740)

En 1742, les Institutions de physique sont republiées. Émilie du Châtelet y intègre des nouveaux éléments de réponses aux diverses querelles que le livre a suscitées avec Mairan. L’œuvre est également traduite en allemand et en italien.

Provenance

Jean Bernoulli II (1710-1790), ex-libris.

Cette provenance scientifique est importante, elle permet de mettre en lumière la complexité des rapports entres différents scientifiques du XVIIIe siècle.

En septembre 1739, Madame du Châtelet demande à Maupertuis : « Avez-vous eu la bonté d’écrire à M. Bernoulli ? Cela me devient plus nécessaire que jamais ; car je désespère de garder Koenig ». Il s’agit là de Bernoulli II. L’enseignement de Koning ne lui convient plus, leurs personnalités sont trop éloignées. Elle demande alors un autre précepteur et qui de mieux que le fils du scientifique qu’elle défend.

Si Bernoulli ne devient jamais le professeur de la Marquise, entretient toutefois une correspondance nourrie avec elle et elle l’accueille à Cirey en 1739.

Elle lui demande notamment de lui faire parvenir le manuscrit de son père, le Comercium Epistolicum.

La Marquise écrit ensuite une longue lettre à Bernoulli le 30 juin 1740. Elle revient en détail, sur l’histoire de la rédaction des Institutions dans le but de réfuter toutes les accusations émises par Koenig :

« Je suis trop heureuse Monsieur que les indiscrétions de Koenig m’ayent laissé auprès de vous le mérite de la confiance. […] Le détail de ses procédés avec moi sont un tissu de bassesses qu’il auroit été aisé d’oublier avec lui, mais il y a joint une perfidie affreuse.

J’avois composé dans mon loisir de Cirey des Elémens de phisique que je destinois pour mon fils et qu’une femme de mes amies qui étois à Cirey me persuada de faire imprimer […].

Elle fit un voyage Exprès à Paris pour le porter et il fut approuvé par m^r Pitot en 1738, c’est à dire environ un an avant que vous me fissiés l’honneur de venir à Cirey avec m^r de Maupertuis et par conséquent un an avant que je conusse Koenig.

Ce livre s’imprima très lentement parce que mon libraire qui ne me connoissoit point […]

Enfin en vivant avec Mr de Koenig je parlois souvent de métaphisique avec lui, dans le voyage surtout en venant icy elle faisoit le sujet de nos Entretiens. Il me parla de celle de Leibnitz et me fit naitre l’envie de la connoitre.  […] J’avois commencé mon ouvrage par quelques chapitres de métaphisique, j’eus envie d’y donner une idée de celle de Leibnitz qui je vous l’avoue me plut infiniment. […]

Le livre étoit plus [qu’]à moitié imprimé, l’engageai le libraire à recommencer les feuilles où je voulois mettre ma nouvelles métaphisique, et à faire quelques cartons, et je me mis à travailler. […]. Ainsi je me voyois à la veille de jouir du plaisir de l’incognito mais je ne fus pas plutôt partie que Mr de Koenig le dit à tout le monde ajoutant que j’avois fait un livre qui ne valoit rien, qu’il m’en avoit fait un autre et que je ne l’avois pas suffisamment payé de sa peine. Jugés du bruit que cela fit, cela me revint de toutes parts, et je vous avoue que je fus outrée.

Je balançai longtems si je retirerois mon livre. Enfin je pris le parti de le laisser paroitre parce qu’après le bruit que cela avoit fait il y avoit encore plus d’inconvénient à le retirer, et que de plus cela n’étoit guères possible, étant presque fini d’imprimer. Cependant je l’ay suspendu tant que j’ay pu, et enfin il va paroitre, et tout le monde sait qu’il est de moi.

[…]Mr de Koenig a escrit depuis peu une lettre à Mrde V. qui sufiroit pour le faire mettre aux petites maisons. Il lui fait entr’autres entendre qu’il escrira contre mon livre, mais il m’a fait tout le mal qu’il me peut faire et je ne lui répondrai que par le silence et le mépris. Voilà Monsieur le mot de l’énigme.

Je vous enverrai l’ouvrage dès qu’il paroitra, non pas qu’il soit digne de vous, mais parce que j’espère que par amitié pour moi vous vous y intéresserés ».

Il est possible que notre exemplaire soit celui discuté dans la lettre en faisant alors un exemplaire de présent. 

Coins frottés, mors du premier plat fendu.